
Critique
Le prix d’un homme peut-il s’estimer à une livre de chair ? Réponse dans Business in Venice, cette tragicomédie de William Shakespeare mise en scène par Jacques Vincey, qui propose une critique virulente de la marchandisation à outrance.
Une histoire d’amour et un atroce marché : Antonio emprunte de l’argent en acceptant la condition de l’usurier qui prélèvera sur lui une livre de chair s’il n’est pas remboursé à temps. Exposant crûment la fracture d’un monde sortant du Moyen Age, l’intrigue, transposée ici dans un supermarché, dénonce impitoyablement une société soumise aux lois de la spéculation et des transactions.
Spéculation, dette, et petits arrangements avec la justice : les thématiques centrales du Marchand de Venise résonnent de manière assourdissante avec le monde contemporain. Dans un univers carnavalesque où l’on croit acheter le bonheur dans les rayons d’un supermarché, le Juif Shylock impose sa dissonance. Outsider à tous égards, ce dernier refuse de jouer le jeu d’un système qu’il va pousser dans ses retranchements.
Dans une société qui se rêve prospère, tolérante et plurielle, où s’arrête l’empathie ? Où commence le rejet ? Sous le vernis de la modernité, Shakespeare réveille la violence archaïque. Le Marchand de Venise est une comédie choc : choc des cultures, choc des communautés. Invitation au rire ou à l’effroi ? Dans une adaptation qui refuse les faux-fuyants et traque les petits mensonges tapis au fond de nos bonnes consciences, Jacques Vincey se confronte à cette pièce monstre.
Le 7 avril 2019
Billetterie : 032 / 717 79 07