
Superbe représentation où brillent trois titulaires de haut rang pour les rôles principaux, un grand nom à la production, et surtout une qualité orchestrale digne des plus grandes scènes internationales.
Après l’Aida d’ouverture de la Scala en décembre dernier, où il était programmé en alternance avec Roberto Alagna, le ténor Antonello Palombi procure de vraies satisfactions dans le rôle-titre : la voix est pleine sur toute son étendue, les graves ont du corps, les aigus éclatent le plus souvent. Son jeu reste sans doute un peu plus emprunté, et il ne semble pas bouillir intérieurement en permanence ; on relève aussi un spectaculaire trou de mémoire pendant l’acte III, justement lorsqu’il explique à Desdemona l’importance du mouchoir à ses yeux…

Dans Desdemona justement, la soprano Barbara Frittoli est splendide, et émeut complètement : les aigus semblent planer et les pianissimi sont subtils, avec dans la gorge juste ce qu’il faut de vibrato. Pas de reproche à adresser non plus à Sergueï Mourzaïev (Iago), très juste et efficace vocalement – dans son « Credo » en particulier – même si on peut préférer une couleur plus noire, inquiétante ou maléfique. Le reste de la distribution est de bonne tenue, en retenant le Cassio de Carlo Bosi, ténor clair et piquant, la basse bien présente de Lodovico (Stanislav Chvets), et le Roderigo un peu faible de Fulvio Oberto. L’ensemble est placé sous la direction musicale de Daniele Callegari, qui déchaîne souvent les décibels dans la fosse, et s’applique à maintenir une haute tension dramatique. On a rarement entendu une telle qualité musicale, avec d’abord des cordes solistes de toute beauté (introduction du duo « Già nella notte densa »), des cuivres d’une justesse rare, mais l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo est vraiment à applaudir tout entier des deux mains. John Fox signe cette nouvelle production, dans un traitement classique stylisé. Deux cubes en trémies, à cour et jardin, sont des éléments fixes du décor, et permettent les entrées et sorties de scène des protagonistes et des chœurs, ou constituent encore une bonne cachette pour l’espion Otello, pendant l’acte III. Bel effet d’orage au démarrage du spectacle, avec un jeu réussi de lumières en éclairs, le mât du bateau d’Otello apparaissant à la tombée d’un rideau ; c’est ce même mât qui sera rappelé au dernier acte, figurant un immense crucifix, en arrière plan de la chambre de Desdemona, lieu du dénouement fatal.
François Jestin
Verdi : OTELLO : le 28 janvier 2007 à Monte-Carlo – Grimaldi Forum