
Michel Blanc en père irresponsable...
par Firouz Elisabeth PILLET
Apprendre à s’aimer, se réconcilier, accepter ses propres imperfections et celles d’autrui, telle est la morale de ce film qui ne se prétend ni comédie, ni drame, mais fresque familiale. Et soudain, tout le monde me manque s’avère être un film original et émouvant, jusqu’à sa chute inattendue qui apporte un sens existentiel à ses méandres émotionnels tortueux.
Et soudain tout le monde me manque
de Jennifer Devoldère, avec Michel Blanc, Mélanie Laurent. France, 2010.

A soixante ans, Elie est resté un incorrigible gamin, blagueur, égotiste, égocentrique, irresponsable, immature, mais père de deux filles adultes, et en voie d’accueillir son troisième enfant. Les réunions de famille avec lui se terminent toujours mal et aucune de ses filles n’a envie de s’y rendre. Dom, institutrice, fait grise mine : elle rêve d’être mère et attend fébrilement les résultats de sa procédure d’adoption.
Justine, manipulatrice en radiologie, lève les yeux au ciel : elle attend toujours que son géniteur se comporte comme un père digne de ce nom. Dans le rôle d’Elie, Michel Blanc qui semble s’être beaucoup amusé dans ce rôle de père irresponsable.
Après la sœur désespérée, la jeune résistante juive et la violoniste de génie, Mélanie Laurent interprète une jeune femme opérationnellement attardée dans Et soudain, tout le monde me manque, la nouvelle comédie dramatique de Jennifer Devoldère. Face à elle, Michel Blanc campe un père largué, immature, ce qui ne l’empêche pas de savourer à nouveau les joies de la paternité, dont la nouvelle ébranle ses deux filles devenues femmes avec lesquelles il a toujours eu du mal à communiquer. La nouvelle est d’autant plus brutale pour Dom qui tente, en vain, de tomber enceinte.

Deux ans après Jusqu’à toi, Mélanie Laurent retrouve donc Jennifer Devoldère pour incarner le double fictionnel de la réalisatrice. Avec cette petite chronique familiale où les relations sont difficiles, la cinéaste exorcise sa propre relation père-fille tourmentée. Ce thème des relations père-fille, déjà présent dans Jusqu’à toi (le précédent film de Jennifer Devoldere), est devenu le sujet central de Et soudain, tout le monde me manque. La réalisatrice a d’ailleurs longtemps hésité avant de décider si, oui ou non, elle devait dédicacer ce nouveau film à son propre père, ce qu’elle n’a finalement pas fait.

Nombre de spectateurs se retrouveront dans ce film car, de la même manière que Justine reflète la personnalité de Jennifer Devoldere, la famille du personnage – où chacun parle sans vraiment écouter les autres – a été imaginée selon les propres souvenirs de la réalisatrice. Entre scènes cocasses et prises de tête, on suit les atermoiements de Mélanie Laurent dans le rôle d’une jeune femme bohème, indifférente et créative ; et Michel Blanc, dans celui d’un père plein de bonne volonté mais qui s’y prend décidément mal. Toutefois la vie réserve bien des surprises que la gestion des sentiments ne peut envisager. La fille qui a tant a reprocher à son père n’est pas parfaite non plus. Elle le réalisera trop tard... est-ce la culpabilité de la réalisatrice qui transparaît ?
Firouz-Elisabeth Pillet